Histoire du quartier Paul-Bert

6 - du XIXe siècle à nos jours

 

Nous voici arrivés au siècle de la vapeur, au moment de la seconde révolution industrielle. Certaines entreprises s’étant fortement développées, la population ouvrière s’accroît. On note alors chez les hommes : des tisseurs de soie, des tailleurs de limes, des céramistes. Chez les femmes, ce sont des lavandières, des blanchisseuses et surtout des dévideuses, des épinceteuses, etc., car la "Manufacture des Trois Rois" employait beaucoup d'éléments féminins. A l'origine, cette entreprise avait été fondée par Fey et Martin dans l'ancienne hostellerie du Lion d'or, où était encore installée jusqu'en 2009 la société Georges Le Manach et Cie, successeur de Dumonté et Delaforge.

La Fabrique prospéra très vite, mais aujourd’hui, hélas, il ne reste plus que le bâtiment de cette soierie qui était spécialisée dans les brocards et riches pièces de tissus d’ameublement. La société Georges Le Manach transférée à Esvres en 2009, fut vendue en mars 2013, à la société "Pierre Frey" également fabricant et éditeur de tissus d’ameublement.  

Parmi les habitants du quartier, on remarquait également des cheminots, employés de l’autre côté de la Loire, mais demeurant dans le faubourg parce que, disaient-ils, "les loyers sont plus abordables ici pour les petites bourses".  

Ainsi se constitua, dès le début du XIXe siècle, cette population essentiellement ouvrière  qui va habiter, animer et faire vivre ce quartier devenu "Paul-Bert" et lui donner et alimenter son renom pendant plus d'un siècle, les deux guerres comprises ! 

Il faut aussi parler un peu de la Loire, ce beau véhicule chargé d’histoire, d’art, de civilisation et aussi d’invasions. Notre grand fleuve causa, à travers l’Histoire, des dégâts dramatiques avec ses crues et ses embâcles de glaces comme la dernière en 1985, où la Loire fut à transformée en banquise.

Après la prospérité croissante de la batellerie à voile, avec ses trains de "gabarres", ses traditions corporatives et son savoureux glossaire, les bateaux à vapeur, apparaissant en 1826, connaissent en Loire une extension croissante, au grand dam de la voile qui périclite, victime de sa lenteur.

A la fin du XIXe siècle, la mise en service du "Fram" par la Société des Messageries Accélérées de la Loire constitue une ultime tentative pour, à son tour, enrayer le déclin de la batellerie qui est de plus en plus concurrencée par le chemin de fer;

Les crues de la Loire furent parfois providentielles pour empêcher l’invasion de Tours, mais ce furent les habitants du faubourg qui firent les frais du dépit des assaillants, en plus des dégâts dus au fleuve lui-même.

Les îles locales de Saint-Jacques et de l’Entrepont ont disparu ; l’ile Aucard est soudée à la rive. Le dernier remorqueur, le "Fram" cesse son activité en 1910.

 

Les extractions de sable, dites "sauvages", incontrôlées des Ponts et Chaussées, dont l’indolence dépasse celle du fleuve, ont perturbé les assises des arches de pont et détruit l’équilibre naturel fluant.

 

La création, en 1843, de la passerelle, plus connue sous le nom de  "pont de fil", suspendue sur plus de 500 mètres au-dessus de l’emplacement du vieux pont d’antan, contribua cependant à fixer les habitants travaillant à Tours. La guerre l’aura pourtant détruit par deux fois, en juin 1940 et à l’été 1944. Il a été reconstruit à l’identique de 1955 à 1962.

Le 21 décembre 1990, un jeune conducteur engage par erreur son camion chargé de 39 tonnes sur la passerelle réservée aux piétons et aux deux-roues. La structure du pont étant atteinte, la fermeture de ce dernier durera plus de deux ans au grand dam des scolaires qui fréquentaient les établissements de la rive gauche et des habitants du quartier qui travaillaient dans le centre ville de Tours.

Quelles étaient les conditions de vie au XIXe siècle à Paul-Bert ? Voici l'énumération de quelques prix :

 

En 1855, il y avait deux bouchers qui vendaient leur viande 1 franc le kilo, en franc-or de cette époque. En 1857, la miche de pain de 4 livres valait 13 sous et on consommait une moyenne de 120 grammes de viande par jour. Le bois, très cher, valait 14 francs le stère.

Le forgeron, gros mangeur, gagnait 3 francs par journée de 11 heures ; le charpentier-couvreur ne gagnait que 2 francs 50 et le maçon 2 francs seulement. L’ouvrier boulanger, nourri et logé, obtenait 0 franc 50, la blanchisseuse 0,85 et la couturière 0,60. 

 

On disait du sou en bronze: "Un sou, c’est un sou !"

En 1815, après la chute du 1er Empire, le 15 juillet, un corps de Prussiens de 80 à 90 soldats campa dans le faubourg ce qui coûta à Tours 30 francs de l'époque, par jour et par soldat d'occupation.

 

Le pont de pierre servait de ligne de démarcation (déjà !) entre Français repliés et Prussiens. Ces derniers repartirent vraisemblablement en août ou septembre 1815.

En 1871, revoici les Prussiens, pas vus depuis 1815. Ils canonnent Tours, sans grand dommage, puis réoccupent le quai Paul-Bert actuel dont ils repartiront après deux mois d’indemnités journalières d’occupation.

 

En 1940, mêmes scénarios, mais en plus grave et en plus long cette fois. La Wehrmacht tire au canon sur Tours et une partie de la ville sera incendiée, faute d’eau, les canalisations ayant été coupées à la suite du minage du pont.

Le "Vieux Tours" flambe. Enfin, voici août 1944 et la Libération après bien des actions de résistance et des deuils dans le faubourg comme en beaucoup d’endroits voisins. Sur le côté de l'église, une plaque commémorative rappelle le sacrifice de huit résistants du quartier pendant l’occupation : Cantet André,  Dubois Yves, Leport Elisabeth,  Voisin Julia, Venisse Lucien  et Laurent Jacques, Souchaud Yvonne et son père Houdayer Clément.  

Si la ville de Tours est libérée le 1er septembre 1944, le quartier Paul-Bert l'est déjà depuis 8 jours. Un Comité de Libération dirigé par le docteur Desborde fonctionnait depuis l'été et a poursuivi son activité pendant 3 semaines, la population étant complétement isolée, plus de tickets d'alimentation, plus rien, le temps que la circulation soit rétablie sur le pont Napoléon. Par la suite le pont de fil est réparé et le Comité se dissous;

 

Mais, dans le même temps, le Comité des Fêtes reprend ses activités, car on sait que la tradition des fêtes dans ce quartier est très antérieure à cette guerre et parallèlement se crée la Commune libre Paul-Bert.

 

Dès 1944, la reconstruction du pont est entreprise. L’Ecole Normale d’institutrices est créée.  

En conclusion, on peut dire que le XXe siècle transforma le "faubourg" en un lieu paisible, même trop paisible, de retraités et de petits artisans, la soierie ayant décliné rapidement au cours du XIXe siècle. Ce quartier Paul-Bert devint alors un agréable village tout plein de bonhommie charmante desservi dès 1890, par des tramways à vapeur qui circulaient sur une voie normale de 1,44 m. La ligne partait de la place des Arts à Tours, l'actuelle place Anatole France et aboutissait à Vouvray. y.

 

Le 9 avril 1978, l’écroulement partiel du pont de Choiseul et la bien longue immobilisation du passage sur le pont de fil ont perturbé bien des projets et réalisations. 

Depuis quelques années, cependant, il convient de noter qu’autour du "bourg" de nombreuses constructions voient le jour au détriment de la nature verdoyante.

 

J’espère que ces quelques informations vous inciteront à visiter ce sympathique vieux quartier qui mérite d’être mieux connu.