Les couvents des Capucins

C’est au 10 rue Losserand que l’on trouve le porche de l’entrée de l’ancien couvent des Capucins ainsi que la conciergerie datant du règne du roi Henri IV.

 

Si actuellement sur le terrain, à l’arrière, on peut apercevoir, depuis la rue deux immeubles d’habitation constituant le "Clos des Capucins" et au-dessus, sur le coteau, une maison de retraite dite Choiseul"; qu’en était-il à l’origine ?

 

On sait peu de chose de ce couvent, si ce n’est que récemment, le comité du quartier Paul-Bert a fait poser une plaque mémorielle rappelant sa création en 1601.

Dans son ouvrage : Les couvents des Capucins de Saint-Symphorien,(1) Anne Giraud de l’ex centre médico-psycho-pédagogique de la rue de la Pierre  à 37100 Tours, rapporte la description qu’en fait M. Cartier en 1849.(2) 

 

Ce premier couvent se situait  sur les hauts de Saint-Symphorien « Placé dans une situation magnifique, au sommet du coteau sur la rive droite de la Loire ; des bâtiments et des jardins on jouissait de la plus belle vue qu’on puisse imaginer : la ville de Tours, sur la rive gauche déployait de l’est à l’ouest, sa longue ceinture alors resserrée entre le fleuve et les remparts du Mail, et maintenant prolongée jusqu’au Cher ; l’horizon de ce côté, borné par les beaux coteaux de Veret (sic), Saint-Avertin, Joué, Savonnières et Villandri (sic) s’étendait à droite par-delà l’embouchure du Cher dans la Loire, jusqu’auprès de Saumur, et à gauche au-delà d’Amboise, dont on apercevait le château, ainsi que celui de Chantelou (sic) et son élégante pagode »

Les premiers frères Capucins arrivent à Paris, à Picpus, en 1568, introduits en France sous Catherine de Médicis et Charles IX, et leur nombre s’accroît rapidement. En 1574, Grégoire XIII donne la liberté à ces religieux de s’installer partout dans le monde.

 

« Après les malheurs des guerres de religion et les troubles de la ligue, Tours, restée en grande majorité catholique et fidèle à Henri IV vit s’accroître le sentiment religieux, comme une réaction contre les effets du protestantisme pour détruite l’unité de l’Eglise. Plusieurs ordres religieux furent appelés pour fonder des maisons de prière et, entre autres, les Capucins qu’on demanda en 1601, mais qui ne furent installés dans leur couvent que dans le courant de l’année 1606.(3)  »

 

L’emplacement de ce couvent fut désigné par la ville, c’était le petit domaine du Pavillon, situé au-dessus du faubourg Saint-Symphorien et appartenant à la Châtellenie de Tours. Une donation supplémentaire : une terre voisine où était érigée la Chapelle Saint-Nicolas, leur fut offerte par le Cardinal de Joyeuse, abbé de Marmoutier.

Au départ, le terrain représentait une superficie d’environ un hectare et demi. Plus tard, il s’étendra par des acquêts successifs. L’implantation d’une grande croix de couleur rouge en marqua la prise de possession par les Capucins en février 1601.

L’endroit était d’accès difficile, « de grands travaux de terrassement étaient indispensables non seulement pour aplanir la place, mais encore pour trancher les rochers et y pratiquer une rampe de plus de deux cents marches.(4) »

La construction a lieu dans un enthousiasme exceptionnel. Une grande partie de la population y participe avec une grande dévotion et une organisation toute militaire. Un témoin oculaire en a rédigé un compte rendu savoureux, repris par Chalmel dans ses Tablettes chronologiques.

Sur le vaste chantier, des hommes mais aussi des femmes et des enfants, des bourgeois et des artisans, des religieux et des militaires, des marchands et des paysans en habits de fête, charrient la terre, la creusent et comblent les trous en chantant des psaumes.

 

Le couvent ne fut achevé qu’en 1608, car la peste apparue à Tours en 1603 retarda les travaux.

Une douzaine de Capucins envoyés par Paris, et qui logeaient dans l’île Saint-Jacques en attendant que le couvent fut construit, soignèrent les pestiférés mais plusieurs en moururent.

Grâce aux recherches du Père Villibrord,(5) il est possible de faire le tour du propriétaire.

 

Retenons qu’au bas du chemin, se trouve la porte d’entrée avec un escalier de pierre de 200 marches. Que plus haut, un premier corps de bâtiment à 40 mètres de long sur 6 de large, comprenait plusieurs services au rez-de-chaussée et neuf cellules à l’étage avec un grenier au-dessus.

Un second bâtiment était en retour d’équerre et mesurait aussi 40 x 6 mètres. Dans l’angle se trouvait l’escalier commun aux deux bâtiments. Au rez-de-chaussée des ateliers et débarras. Sept cellules à l’étage.

Au nord, joignant le premier corps, un appentis vaste de 108 m2, c’était une sorte de préau ou cloître.

 

Quant au troisième bâtiment il ne mesurait que 32 mètres sur 7.

Et puis, il cite un bûcher, parallèle au deuxième corps de bâtiment, voisinant avec une serre et  dominant la cave, le tout couvert d’un grenier.

 

Ensuite à l’est de l’ensemble, l’église longue de 40 mètres, elle englobait et agrandissait la chapelle Saint-Nicolas.

A l’extérieur de l’ensemble, dans le terrain, tout près de l’église un petit cimetière, un verger, plusieurs carrés de potager en terrasse, deux à trois petits prés.

 

Le terrain recouvrait 1 951 m2 de bâtiments et 13 500m2 de culture.

Malgré les cultures produites sur place et une boulangerie, les Capucins ne pouvaient vivre en autarcie. A la différence d’autres ordres religieux, les Capucins vivaient beaucoup d’aumônes en nature. L’austérité et la pauvreté étaient de mise. Ils priaient, disaient des messes, prêchaient dans les campagnes afin de convertir les huguenots. Ils étaient au service de la population et avaient la charge de la pompe à incendie.

 

Une autre de leurs fonctions était de former des missionnaires, suivant ainsi l’impulsion donnée par le Père Joseph du Tremblay, lequel fut gardien du couvent entre 1609 et 1611.

A partir de 1667, les ennuis commencent. Le roi Louis XIV estime que les religieux sont trop nombreux en France et vivent mal. Différents arrêtés réduisent leur nombre et leurs privilèges. Après la suppression des Jésuites en 1762, on limite le nombre des couvents pour regrouper les religieux.

 

Tout s’accélère à l’aube de la Révolution. On a peu de trace de nos Capucins, on sait seulement qu’en 1770 seules 18 personnes habitaient le couvent devenu beaucoup trop vaste. On sait également qu’en 1777, un incendie se déclare : « Du 2 au 3 décembre à une heure du matin, comme les Capucins disaient leurs Mâtines, une partie du couvent a été brulée malgré les secours des pompes et des habitants et si l’on n’avait pas coupé le chemin de feu tout le couvent et l’église auroit été embrasés par la voracité des flammes et cela faisoit horreur ; il ne leur à rester qu’une certaine longueur de bâtiments du côté bas, qui est séparé de l’église.(6)  »    

Le couvent fut vendu comme bien national le 8 juillet 1791.(7) 

 

Le 25 juillet 1791, le citoyen Lenoir, Commissaire de l’Administration, procède à la vente du mobilier. L’inventaire d’une cellule témoigne de l’austérité du lieu : une couchette de bois chêne (sic), une paillasse, un  matelas rempli de bourre, un traversin, une couverture de laine blanche composent l’unique mobilier.

En 1792, on incarcère au Grand Séminaire de la ville, près de la cathédrale, les ecclésiastiques non assermentés : parmi eux, deux Capucins.

Sur le cadastre de Napoléon de 1805, l’église a disparu, mais une partie des bâtiments subsiste.

Les matrices cadastrales(8) permettent de suivre en partie les propriétaires successifs. En 1816, Mme Lourmand possède la serre transformée en maison (11 fenêtres et 4 portes) et M. Cordon de Ronan, le couvent (47 fenêtres et portes).

On trouve ensuite, en 1839, la famille Viollet, la famille Bigot en 1874, puis la famille Bordelay à partir de 1882.

A la fin du XIXe siècle, la portion basse de l’enclos était occupée par la congrégation de Notre-Dame de la Retraite et du Cénacle. La maison familiale avait été donné par Madame Dalloz, l'épouse du juriste, à cette communauté. Celle-ci construisit une chapelle qui devint hélas, la proie des flammes quelques mois plus tard. Attenant à leur couvent, une nouvelle chapelle en néo-gothique fut édifiée  et consacrée en 1893 par le cardinal Meignan. Dans cette chapelle on peut admirer une Vierge en marbre blanc, due au sculpteur Falguière. Cette statue serait le portrait de Madame Dalloz.

 

la suite de difficultés financières, on séquestra juste avant l'expulsion. Les dames du Cénacle se réfugièrent en Belgique et l'Etat ne put nationaliser à cause des séquestres. Une société les racheta et c'est ainsi que fut crée le Grand Séminaire, école supérieure de Théologie, qui fermera ses portes en 1971. 

 

La portion haute, comprenant les restes du couvent, appartenait en 1897 à « un particulier dont les convictions étaient moins que religieuses(9)»,et qui ne voulait pas se dessaisir de sa propriété.

 

En 1942, c’est le Petit Séminaire qui est bâti sur les anciens  locaux.

L’Institut du Travail Social, s’y installe à partir de 1972.

 

L’autre couvent

Ce premier couvent disparu, plus tard, à environ un km, un second couvent de Capucins fit son apparition. C’est en effet en juillet 1897 que Monseigneur Renou, Archevêque de Tours contacte le Père Germain, Capucin et lui exprime le désir d’avoir un nouveau couvent. C’était aussi le vœu d’un bienfaiteur qui s’offre à aider financièrement à sa construction.

Des proches du Père Germain, demeurant avenue de la Tranchée à Saint-Symphorien, lui font part de la mise en vente d’une partie de la « Ville Groison » ou « Fontaine de Groison » par la famille Palustre.

 

C’est ainsi qu’après l’achat de plus de deux hectares, le nouveau couvent est construit  en 1899.

A peine installés, les Capucins tombent sous le coup des lois visant les congrégations religieuses. En 1903, ils sont dans l’obligation d’abandonner les lieux qu’ils récupéreront cependant en 1921.

Pendant la première Guerre Mondiale les bâtiments furent utilisés comme hôpital pour aveugles de guerre.

 

Le couvent ne disposant que d’une chapelle provisoire. Le père Ange, le gardien du couvent, fait alors appel aux architectes Auguste et Gustave Perret(10) pour réaliser la chapelle actuelle.(11)  Celle-ci, construite en béton armé et parpaings de ciment occupe l’aile ouest du couvent.

Les annales du couvent de Tours permettent de suivre l'avancement du projet : début 1930, le plan définitif est arrêté ; le 1er mai de la même année, début des travaux. Un an plus tard, le 14 mai 1931, la bénédiction de la chapelle donne lieu à d'imposantes festivités. Au dernier moment les frères Perret sont absents (peut-être sont-ils en réalité mécontents de ce que la nef ait été amputée d'une travée par rapport au plan initial), ce qui n’empêche pas le père Ange de leur rendre un vibrant hommage au cours du repas de fête qui suit la cérémonie.

 

Malgré des attaques incessantes, aussi bien du pouvoir que du curé de Saint-Symphorien jaloux de cette trop proche implantation, ils restent sur place jusqu’au 1er juin 1970, date de la vente à l’association « Centre médico-psycho-pédagogique du département d’Indre et Loire  » qui aménage la chapelle en salle de gymnastique.

En 2013, les locaux se révélant inadaptés pour accueillir les nombreux enfants, ils sont vendus à « Habitat et Humanisme » qui hébergera une trentaine de résidents en souffrance : un tiers de jeunes en grande difficulté, un tiers de famille monoparentale et un tiers de seniors.

*Capucins : Les capucins étaient ainsi nommés à cause de la bure qui comportait une capuce ou capuchon pointu.

 

Sources :

1. Archives départementales d’Indre et Loire, 4°Bh1716.

2. Notice sur la fondation du couvent des Capucins de Tours par M. Cartier père. Bulletin de la société des Antiquaires de l’Ouest. 1er trimestre 1849, p 319.

3. Cartier.

4. Cartier.

5. Conférence du Père Villibrord sur la fondation du couvent. 1949. Bibliothèque franciscaine. Paris.

6. Société archéologique. B.X. 212. 4e trimestre 1895.

7. Bibliographie District de Tours 8 juillet 1791. BM de Tours : Est. A 1206 II n°23.Bien national.

8. Archives départementales de Chambray-les-Tours.

9. Lettre non signée. Bibliothèque franciscaine. Paris.

10. http://www.bibliothequefranciscaine.org/Auguste-PERRET-architecte-des capucins.

11. Inscrite aux Monuments historiques (arrêté du 14/11/1977)